«Vous les occidentaux, vous avez l’heure, mais vous n’avez jamais le temps».
Gandhi aurait-il transformé sa propre citation s’il nous voyait vivre aujourd’hui, quelque 70 ans après l’avoir prononcée ?
Nous qui découpons le temps en tranches de plus en plus serrées, nous qui organisons nos journées en un zapping ininterrompu, ce qui pour certains devient un enfer et pour d’autres (ne cherchant plus à séparer le personnel du professionnel) est juste la vie normale.
Il y a bien longtemps que les besoins de notre corps ne rythment plus notre vie, ni les saisons et ni même pour certains l’alternance jour/nuit.
Entre course après le temps et besoins de pauses, nos entreprises font le grand écart, et nous avec. Paradoxes quand tu nous tiens !
La course contre la montre engendre l’impuissance. Je ne vais pas y arriver !
L’impatience génère l’anxiété et met le doigt sur le besoin de reconnaissance. Comment ça, il ne m’a pas encore répondu ? Mais alors je n’existe pas pour lui !
Le découpage de nos vies en parcelles de temps nous enlève la joie de l’imprévu et tout moment non rempli, tout temps de respiration, semble intolérable au gendarme qui est en nous et qui brandit sa pancarte « Efficacité ». Intolérables les temps de respiration, et pourtant si nécessaires à notre créativité.
Le plus grand conseil de sagesse que j’aie jamais reçu m’est venu d’un ami qui montait projets sur projets, qui fourmillait d’idées et d’envies et qui s’étonnait de mon rythme soutenu, continu, fatigué. Comment ça, me dit-il un jour : tu n’as jamais regardé tes doigts de pieds en éventail ?
Alors bravo aux entreprises qui proposent dans leurs locaux des lieux pour des pauses et qui en font la publicité. Bravo si à l’entrée, il y a un panier pour y déposer son smartphone.
Et bravo aux salariés qui s’octroient quelques minutes sans rien faire, ni dire, ni regarder, juste laisser passer le temps. Une minute c’est déjà bien pour rétablir l’équilibre au sein de notre système nerveux. Hubert Reeves, autre grand sage après mon ami aux doigts de pieds en éventail, est en train d’écrire un livre qu’il va appeler : Le banc du temps qui passe. J’ai hâte de le lire! SB